L’un est originaire de la région de Cognac en France, l’autre du Douro au Portugal, mais tous deux ont une caractéristique commune: lors de leur élaboration, de l’eau-de-vie vinique est ajoutée au moût pour en arrêter la fermentation et obtenir une boisson plus sucrée et plus forte en alcool. Un procédé qui a assuré leur pérennité au fil des siècles.
La naissance du Pineau des Charentes serait due au hasard lorsque, vers la fin du XVIe siècle, un distillateur de cognac versa par erreur un moût fraîchement pressé dans une barrique qui contenait de l’eau-de-vie de fruits. Reléguant celle-ci dans un coin de sa cave, il découvrit quelques années plus tard un délicieux vin fruité, sucré et puissant.
Le vin de mutage était né et l’expérience se reproduisit aux quatre coins de l’Europe, notamment au Portugal, en Espagne ou en Grèce, mais seules quelques régions ont vraiment réussi à obtenir un produit de qualité, certaines ajoutant plantes et aromates pour en faire des vermouths.
Appelé tantôt “vin muté”, “fortifié” (“fortified wine” en anglais), “viné” ou “coupé”, une boisson alcoolisée et sucrée obtenue par mélange de jus non fermentée et d’alcool est aussi appelé “mistelle” (de l’italien “misto” – “mélangé) qui bénéficie depuis 1991 d’une appellation spécifique en France.
En 1945, le Pineau des Charentes est devenu le premier vin de liqueur d’Appellation d’Origine Contrôlée (AOC) français, son aire d’appellation couvre le vignoble du Cognaçais, essentiellement la Charente et la Charente-Maritime. Près de 90% des producteurs de la région sont surtout viticulteurs et revendent leurs vins aux grandes maisons qui le transforment en cognac.
Le Pineau des Charentes blanc est élaboré principalement à partir de raisins Ugni blanc, Colombard, Sémillon, Sauvignon et Folle blanche, tandis que ses versions rouge et rosée le sont à partir de Merlot, des Cabernets sauvignon et franc et de Malbec.
Une fois vendangés, les raisins blancs sont pressés immédiatement tandis que les rouges macèrent pendant quelques heures pour obtenir la couleur typique du Pineau des Charentes, ce n’est pas à vin à proprement parler puisqu’il ne fermente pas.
Les moûts de raisin ainsi obtenus sont mutés avec l’eau-de-vie de Cognac titrant au moins à 60% vol. alc. et âgée d’un an d’au moins, provenant de l’aire d’appellation.
Le Pineau des Charentes vieillit obligatoirement en fûts de chêne, 18 mois au moins pour les blancs et 12 pour le rouge ou le rosé. Après 5 ou 10 années de vieillissement, on obtient le Vieux et le très Vieux Pineau des Charentes. Seuls quelque 200 producteurs le produisent sur les 5000 que compte la région.
Pour la gastronomie
Si le Pineau des Charentes, dont le Belge est très friand, est surtout consommé en apéritif, il peut aussi être très facilement associé à la gastronomie, une ambition que défend Jean-Philippe Ardouin, propriétaire du Château Guynot à Tesson, représenté depuis ses débuts par Leymarie.
Lorsqu’il reprend la société familiale il y a une vingtaine d’années, il crée le Domaine Château Guynot et décide en effet de se distinguer de ses concurrents en élaborant trois gammes de pineaux, avec des formes de bouteilles différentes et des étiquettes propres.
La gamme Ambiance tout d’abord, en blanc et rosé, avec des pineaux jeunes. “Un séjour en fût plus long, explique-t-il, permet d’apporter plus d’harmonie. Mes pineaux ont minimum deux ans de plus que ce que l’on trouve habituellement sur le marché.”
Ensuite, la gamme Tradition, une gamme intermédiaire spécialement conçue pour la table, qui peut se déguster aussi bien à l’apéro (avec des pruneaux au lard par exemple) que sur des mets tels qu’un foie gras, des viandes grillées au BBQ, des fromages ou des chocolats.
“Le Pineau se boit toujours frais, conseille M. Ardouin, et il ne faut pas hésiter à y plonger un ou deux glaçons pour en rehausser la fraîcheur. Par contre, si vous le dégustez en dessert, il vaut mieux le sortir du frigo bien à l’avance et le servir quasiment à température de cave.”
Enfin, elle aussi disponible en blanc et en rosé, la gamme Grande Tradition propose des pineaux affinés par seize années d’élevage, ce sont les plus recherchés. Ils seront servis avec un foie gras poêlé, un sorbet, un tiramisu, un gâteau aux fruits rouges ou même du roquefort. Les possibilités sont nombreuses.
Sur les rives du Douro
Changement d’horizon à présent avec le porto dont l’histoire démarre au XVIIe siècle. Suite à l’embargo proclamé par Colbert en 1667 sur les produits anglais, la Couronne d’Angleterre riposta en boycottant les produits français. Empêchés de se fournir en “Clarets” bordelais, les Anglais se tournèrent alors vers le Portugal et découvrirent le vin de Porto.
En 1703, ils obtiennent même le privilège de fonder au Portugal des maisons de négoce en échange de la baisse des taxes sur le vin de Porto. Afin d’éviter les abus qui s’ensuivirent, le marquis de Pombal, ministre du roi Joseph Ier, créa en 1756, la Compagnie Générale de l’Agriculture des Vignes du Haut-Douro et en délimitant la zone de production du vin de Porto, posa ainsi les premiers jalons des AOP dans le monde.
Afin de favoriser son transport par les mers, de l’eau-de-vie de vin pure (du brandy généralement) était ajoutée au vin de Porto, un procédé qui, selon les sources reconnues, se serait généralisé à partir de 1820 environ.
La fermentation des moûts est très courte et est stoppée par incorporation d’eau-de-vie de raisin à 77° dans le moût (±25% du volume), un alcool dont l’origine serait principalement… française. Avec l’arrêt de la fermentation, le vin devient silencieux, il est donc muté.
Sans détailler toute la gamme des portos, rappelons que les Ruby et Tawny sont issus d’un assemblage de différents vins, de différents millésimes et de différentes “quintas” (ferme en français). Les Vintages sont issus quant à eux d’un unique millésime provenant d’un ou plusieurs quintas (Colheita, Late Bottled Vintage et Vintage). Tous ont un grand potentiel de garde.
La majorité des portos sont aux mains de grandes maisons ou de grands groupes internationaux. A ce titre, la maison J. H. Andresen fait figure d’exception car elle est une des rares maisons indépendantes appartenant toujours à une famille portugaise.
Son fondateur est Jann Hinrich Andresen, un jeune Danois originaire de l’île de Föhr (qui deviendra allemande en 1865) arrivé à Porto en 1845, à l’âge de 14 ans comme matelot. Cinq ans plus tard, il épouse une jeune femme portugaise, se fait naturaliser portugais, change son prénom en Joao Henrique et crée la société de vin de Porto Andresen.
En 1942, à sa mort, le négociant Albino Pereira dos Santos rachète l’entreprise qui demeurera familiale. Ce sont aujourd’hui ses petits-enfants, Manuela et Carlos Flores dos Santos, qui dirigent l’exploitation.
J. H. Andresen continue à produire un porto de choix, pour connaisseurs, que nous importons depuis de nombreuses années, et possède d’impressionnants stocks de très vieux portos blancs et rouges. Elle figure dans le top 5 des maisons de porto les plus réputées.