Les vendanges, point d’orgue de l’année viticole

Depuis la mi-septembre, les vendanges ont démarré un peu partout en Europe et dans l’hémisphère nord, certains même avant cela. Mais comment détermine-t-on le bon moment pour partir à la cueillette ? Plusieurs éléments doivent être pris en compte.

vendanges en cagettes

Un des éléments les plus importants est de favoriser les vendanges au moment où les raisins ont atteint la maturité phénolique et alcoolique. Pour la première, l’ensemble des composants du raisin doivent avoir atteint leur maturité : peaux, chair, pépins. Lorsque l’on croque un pépin entre les dents, un cœur blanc indique qu’il n’est pas encore mûr – en général le pépin mûr ressemble à un grain de café torréfié. Cette analyse se fait le plus souvent en laboratoire, mais elle peut aussi se faire au goût selon l’expertise du vigneron.

Dans le second cas, on vérifie le taux de sucre en pressant quelques grains afin d’estimer le taux d’alcool potentiel avec un densimètre. La concentration en sucre est fortement dépendante de la surface foliaire, du rendement (le nombre de Kg par pied ou encore mieux par hectare), ainsi que de la température et de l’eau disponible à certains moments pour la vigne. Plus ou moins 16.5-17,5 gr. de sucre (glucose + fructose) équivalent à 1° d’alcool après fermentation. Avec un taux de sucre trop bas, le moût devra souvent être chaptalisé, c.à.d. qu’il faudra ajouter du sucre au moût avant/pendant la fermentation.

Publication des bans

Dans de nombreuses régions, ce ne sont pas les viticulteurs qui décident de la date de début des vendanges. En France, par exemple, c’est l’INAO (Institut National de l’Origine et de la Qualité) qui fixe cette date en fonction de la teneur en sucre du raisin et du potentiel en alcool qui en dépend.
Avant les vagues de réchauffement climatique et au moment de la création de ces règles, un des enjeux majeurs était d’assurer que les raisins soient vendangés à maturité (et pas en sous-maturité) et que le vin soit d’une qualité minimale acceptable.
Dans certaines régions, telles que la Champagne, les dates sont mêmes fixées par commune et c’est le préfet de la région qui donne son accord pour le démarrage des vendanges.

Toutefois, avec l’année catastrophique que nous venons de connaître (grêle, pluies, mildiou, incendies), le vignoble européen, ou du moins français, connaît une situation particulièrement hétérogène qui nécessitera d’adapter l’organisation de la cueillette. Certaines parcelles nécessiteront plusieurs passages des vendangeurs.

Les raisins destinés aux vins effervescents ne nécessitant pas une maturité phénolique importante, au contraire ils profitent d’une acidité malique pas encore assimilée qui procure à ces vins la fraîcheur nécessaire. Les raisins destinés aux effervescents sont donc ramassés les premiers. Généralement une quinzaine de jours avant les raisins noirs. Tout dépend de chaque variété et de l’exposition des vignobles.

Au contraire, pour produire des vins liquoreux, issus majoritairement de « vendanges tardives », la cueillette est volontairement retardée afin d’obtenir des raisins en surmaturité (le sucre est à son maximum, la baie perd un peu d’eau), que ce soit en Allemagne, en Autriche ou en France.

À la machine…

Une vendange nécessitant un grand nombre de cueilleurs, certains viticulteurs utilisent une machine appelée vendangeuse, spécialement conçue pour cette tâche. La machine enjambe les rangs de vigne et avec des bras cueilleurs, secoue le pied de vigne pour en faire tomber les grains vers un mécanisme de récupération. Un aspirateur souffle la récolte pour évacuer les feuilles et branches tombés lors du secouage. 

Le système permet de récolter en quelques heures ce qui prend plusieurs jours dans le cas contraire. Certaines régions sont majoritairement vendangées à la machine pour des raisons de qualité, comme par exemple Chablis (rapidité de la cueillette face à des risques fréquents comme le gel par exemple). Dans d’autres, ce n’est pas permis mais en tout état de cause les vendanges machines ne sont pas nécessairement moins bonnes qu’à la main.

vendanges machine

Dirigé par Virginie et Guillaume Philip, le Domaine des Diables, dont nous vendons la gamme de vins en AOP Côtes de Provence Sainte-Victoire, vendange sa trentaine d’hectares mécaniquement, et une partie manuellement lorsque nécessaire.

« Comme nous produisons 90% de rosés, ce n’est pas gênant, explique Guillaume, nous faisons surtout un important travail dans le vignoble, afin de ne pas devoir trier à l’arrivée et ne pas avoir de pourriture.

Nous vendangeons uniquement de nuit, pour préserver la fraîcheur du raisin, et il faut donc aller vite. Mais ce millésime est un peu particulier et cette fois, nous vendangeons aussi certaines parcelles manuellement afin de sélectionner les meilleures grappes. »

Grâce à la machine, même si c’est sept jours sur sept, seules quatre personnes sont nécessaires à la réalisation de la cueillette, mais les amis et voisins viennent souvent donner un coup de main.

 

« Nous avons des voisins belges qui n’ont rien à voir avec le monde du vin mais qui se sont installés à côté de chez nous. Dernièrement leurs enfants, qui étaient en vacances, sont venus passer une nuit avec nous, nous aimons vraiment collaborer avec les gens qui nous entourent… Les parents sont venus aussi, en avril pour installer les bougies contre le gel. Les gens apprécient venir en immersion. »

Ou à la main

Certaines appellations interdisent l’usage d’une vendangeuse mécanique, c’est notamment le cas pour tous les crémants et les champagnes. D’autres appellations les déconseillent fortement sans les bannir. On estime toutefois que 60% des vignobles de France sont vendangés mécaniquement.

En réalité, l’avantage est de pouvoir démarrer la vendange au bon moment sans se soucier du recrutement des vendangeurs, très souvent des travailleurs saisonniers étrangers, un problème que confirme Jean-Charles Leymarie, propriétaire de quatre hectares autour du Clos Vougeot en Bourgogne et a présidé aux destinées de notre cave pendant de nombreuses années.

« Nous avons toujours vendangés manuellement, commente-t-il, pour plusieurs raisons. Tout d’abord économique et logistique : nos quatre hectares sont répartis en douze parcelles et une vendangeuse à l’heure serait impayable, pas la peine d’y penser. Ensuite, pour une raison qualitative : lorsque la vendange n’est pas totalement mûre, les raisins pourris et secs tombent en premier lieu, on ne peut évidemment pas se permettre de ramener cela au pressoir. »

Mais outre les problèmes liés au mildiou (pas trop conséquents heureusement ici), la crise sanitaire a empêché de constituer les équipes habituelles. En effet, les cueilleurs viennent souvent d’Espagne, du Portugal, d’Afrique du Nord ou des pays de l’Est et, comme on le sait, l’exigence d’un pass sanitaire a fortement freiné les déplacements.

« Nous avons pourtant fait des offres attractives, mais dans des petits vignobles comme le nôtre, la période de vendanges est trop courte pour les travailleurs français qui préfèrent se concentrer sur des vignobles plus grands. Il y a plus de 200 offres vacantes à Pôle Emploi… Cette fois, ce sont surtout des amis de ma fille qui viennent en renfort, 15 Belges et 5 Français, car il n’est pas non plus évident de prendre des congés sans une longue période de préavis. Début septembre, je ne savais en effet pas si on vendangerait le 17 ou le 23. Heureusement les rendements en jus ne seront pas trop bas… »